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Entretien avec Fabien Carrette-Legrand

Le haut niveau nécessite engagement, disponiblité, courage et abnégation. Et si l’on pense d’emblée aux joueurs , on peut aussi le penser pour les arbitres. Baseball TV France est allé à la rencontre de Fabien Carrette-Legrand, un des piliers du corps arbitral français qui annonce se retirer du niveau Division 1 et internationnal.

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BTVF : En dehors du Baseball, qui êtes-vous Fabien Carrette-Legrand ?

F.C : Que dire ? Je vais sur 50 ans…

Je suis marié à une femme exceptionnelle, Stéphanie, depuis le 5 octobre 2019 (avant la pandémie et avec une réception et un repas au Vipères Park).

Si je n’ai pas d’enfant, je considère Cassandra et Nathan, les siens comme les miens, tout comme le conjoint de ma Maman puis papa adoptif (d’où l’ajout du nom « Legrand ») l’a fait avec moi, étant toujours à mes côtés.

Je travaille au CNRS depuis plus de 25 ans et suis actuellement Ingénieur d’Etudes, Responsable Administratif de l’Institut Chevreul (CNRS / Université de Lille) sur le campus Cité Scientifique à Villeneuve d’Ascq.

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BTVF : 12 ans à la Présidence de la Commission Nationale d’Arbitrage, quels sont vos principales fiertés ?

F.C : D’avoir toujours essayé de faire de mon mieux, avec rigueur mais aussi avec, lorsque nécessaire, la souplesse imposée par la réalité du terrain…

Je ne sais pas si c’est une fierté ou plutôt un grand merci mais j’ai toujours été entouré d’une équipe, qui a bien sûr évolué au fil des années, composée de personnes motivées, dévouées et partageant des valeurs communes.

Pendant ces 12 ans, j’ai toujours essayé de respecter le bon équilibre entre ce que l’on appelle, trop péjorativement à mon sens, la base, soit l’arbitrage dans nos régions, et l’arbitrage à l’échelon national et l’accessibilité vers le haut-niveau, le second ne pouvant être que la résultante du premier.

La mise en place et le suivi des Commissions Régionales Arbitrage Baseball, le maillage territorial en terme de formateurs d’arbitres ont toujours fait partie des priorités de mon équipe.

La formation a été également, avec Stéphane Larzul comme Membre responsable de ce secteur au sein de la Commission, une de nos priorités (de nombreuses évolutions sont intervenues dans ces 12 ans et ceci en cherchant toujours à être plus efficace).

Notre crédo, notamment avec Stéphane, a toujours été que chacune puisse évoluer, autant que possible, dans sa « carrière d’arbitre ».

Si j’ai pu contribuer à développer voire même uniquement à préserver l’esprit de corps, la solidarité et même l’amitié qui règnent au sein des arbitres de la discipline, cela ne peut alors que constituer une grande fierté.

Les réussites de chacun : Serge Makouchetchev à la World Baseball Classic, Stéphane Giraud en Little League et pour la suite, etc. tout comme le fait d’avoir pu et su passer le « flambeau » en toute sérénité à quelqu’un de tout aussi dévoué, motivé et bien entouré, Ludovic Meillier, sont autant de satisfactions.

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BTVF : Autant d’années comme arbitre au plus niveau en France et à l’international, Cela laisse des tas de souvenirs, des réussites, des déceptions, des moments d’allégresse et des moments de tension, comment l’avez-vous vécu ?

F.C : Comme chacun dans ses engagements et dans ses passions !

Pour tout arbitre et plus généralement dans la vie, il est nécessaire, pour évoluer et progresser, de savoir se remettre en question.

Mes pires souvenirs d’arbitrage restent la finale du Challenge de France 2012 à Sénart lors de laquelle je me suis pris, en tant qu’arbitre de 2B, un relais de double-jeu du 3e base sur l’étiquette arrière, renforcée cela m’ayant vraisemblablement « sauvé la vie », de la casquette et la finale du Challenge de France suivant, à Paris, que je considère avoir ratée en tant qu’arbitre de plaque. J’ai d’ailleurs bien failli raccrocher suite à celle-ci et c’est mon ami Serge qui, m’appelant quasiment chaque jour, m’a remonté le moral et remis en selle.

D’ailleurs, suite à cela, j’ai refusé d’arbitrer la finale du Challenge de France 2014 et de prendre la plaque sur les éditions suivantes jusqu’à 2018 et l’édition à Valenciennes, soit à domicile pour moi, où je ne pouvais que l’accepter si je la méritais, ce qui a été le cas, et en être digne.

Les finales Elite puis D1 ont bien souvent constitué des moments de grandes tensions mais ça fait partie du « job ».

Comment oublier la fête que constitue la Coupe du Monde 12U, lors de laquelle j’ai eu la chance de pouvoir officier en 2015, sur le territoire taiwanais ou la cérémonie d’ouverture des Universiades 2017, également à Taiwan, avec l’embrasement de la vasque sur le thème du Baseball ?

Mais l’essentiel dans tout cela, très sincèrement, ce sont les rencontres, les amitiés qui en découlent, la richesse de cette aventure humaine !

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BTVF : Fin septembre, vous mettrez un terme à votre carrière au championnat d’Europe. Qu’est-ce que le niveau international apporte à l’arbitre que vous êtes ?

F.C : Encore une fois, la richesse des rencontres est essentielle et ceci tant sur le plan humain que pour progresser dans son arbitrage.

En effet, avoir la chance d’officier aux côtés d’arbitres évoluant dans des championnats plus structurés et d’un meilleur niveau ou mêmes d’arbitres professionnels, notre passion commune incitant au partage d’expérience, ne peut, si l’on est à l’écoute des remarques et conseils, que faire progresser.

J’espère avoir pu rendre l’ascenseur aux arbitres moins expérimentés, que ce soit à l’échelon international ou en France.

Juste une petite précision : je mets un terme à l’arbitrage en D1 et au niveau international mais continuerai à arbitrer dans le Championnat D2, au titre du club de Valenciennes, et à l’échelon régional si besoin.

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BTVF : Comme dans tous les sports, le « umpire basching » par les joueurs, les coachs, le public… peuvent affecter, comment avez-vous lutté contre cela et quels conseils donneriez-vous à un jeune arbitre qui se lance ?

F.C : Certes, cela peut affecter !

Le problème, ce n’est pas lorsqu’un jugement ou une décision est contesté. L’erreur, s’il y a, est humaine et on peut comprendre la frustration d’un manager, voire même d’un joueur, se sentant, à tort ou à raison, lésé…

Le vrai problème, et celui-ci n’affecte pas que l’arbitrage mais toute la société, c’est lorsque l’on s’en prend à la personne, à l’individu et plus à la prise de décision dans sa fonction.

Le premier conseil, qui n’en est pas un mais est un postulat, est que l’impartialité s’impose à chaque instant de la carrière de l’arbitre.

Concernant les acteurs du terrain, principalement les coaches et les joueurs donc, il faut savoir faire comprendre ce que l’on peut considérer comme acceptable et ce qui ne l’est pas. Chacun aura un curseur différent mais le principal est qu’un respect mutuel reste de mise. Comme cela est évoqué en formation d’arbitre et s’avère tellement important, lorsqu’un avertissement est donné, la sanction doit, si elle est méritée par la suite, être appliquée (il y va de la crédibilité de l’arbitre) et les sanctions doivent être justes, graduels et légitimes.

Concernant le public, on ne peut pas vraiment faire grand-chose… Et le pire, c’est que l’on connait souvent bien celui qui se montre insultant derrière le backstop. Ce qui m’a toujours atterré, c’est l’arbitre débutant qui, lors de ses premiers matchs pour rendre service à son club, se fait complètement « détruire » par les membres ou proches dudit club… Bien souvent il n’y revient pas, perdu tant pour l’arbitrage que pour son club…

Si je devais donner quelques conseils en vrac sur le sujet, ce serait de se mettre dans sa bulle, par rapport à l’extérieur de celui-ci, lorsque l’on est sur le terrain (se concentrer sur ce que l’on doit faire), de se rappeler que l’on est qu’un acteur du jeu et que lorsque l’on en est la star ce n’est que très rarement enviable, d’éviter les réseaux sociaux surtout si ce domaine peut être abordé.

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BTVF : Selon vous, qu’a besoin la France pour progresser dans l’arbitrage du baseball et softball français ?

F.C : vaste sujet !

Tout d’abord, je pense que la Commission Fédérale d’Arbitrage a un fonctionnement très efficace et que son travail est reconnu par l’ensemble de notre communauté.

Comme on dit, et c’est vraiment de circonstance, l’argent est le nerf de la guerre… La conjoncture et le fonctionnement fédéral ne peuvent permettre beaucoup plus que ce qui est fait actuellement en matière de formation. Le maximum, au regard des moyens déployés, est fait. Par ailleurs, la formation (notamment dans son caractère « continue ») est aussi une affaire individuelle et je sais que la plupart des arbitres sont constamment en train de se documenter, de s’exercer, etc.

Il est indéniable qu’il y a une forte corrélation entre le niveau de compétition et le niveau de l’arbitrage… Si nos championnats évoluent et se renforcent, le niveau de l’arbitrage du Baseball et Softball suivront de facto.

Et comme on parle de la France, sur un plan plus général, je pense que les pouvoirs publics sont totalement absents sur le sujet de l’arbitrage. Les mesures incitatives à ce type de volontariat, si ce n’est la Loi de 2006, sont quasi-inexistantes.

Bien que l’Association Française du Corps Arbitral Multisports ne cessent d’alerter et d’intervenir sur l’ensemble des sujets relatifs aux juges et arbitres, peu de mesures réellement efficaces pour promouvoir cette mission sont prises et c’est bien dommage car cela pourrait s’avérer préjudiciable, dans bien des disciplines, au cours des prochaines années.

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BTVF : Que pouvons-nous vous souhaitez ?

F.C : une bonne continuation !

Je vais continuer à arbitrer en D2 et à l’échelon régional lorsque besoin mais aussi rester membre de la CFA (intervenant surtout sur les aspects budgétaires).

Je vais continuer de m’investir, avec sûrement plus de disponibilités pour cela, au sein du club de Valenciennes. Je suis d’ailleurs manager de la section 15U et cela constitue un sympathique nouveau challenge.

Je vais terminer mon mandat de Vice-Président de la Fédération jusqu’à la prochaine Assemblée Générale élective puis faire ma déclaration « de sortie » auprès de la haute autorité pour l’indépendance de la vie publique (et oui…).

Je vais essayer de garder le contact avec tous mes amis de l’arbitrage et j’espère que nous partagerons, encore, de conviviaux moments.

Mais juste là, sur l’instant, c’est moi qui vous remercie pour cette interview et qui souhaite une bonne continuation à votre média de passionnés.

Crédits Photographiques : FFBS, Célia Bautchon

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