Expulsions

Seuls les arbitres possèdent ce pouvoir discrétionnaire lors d’un match de baseball. Nous nous intéressons à ce sujet car depuis le début du championnat, le nombre d’expulsions semble s’accroitre.

Commençons par les statistiques au niveau français :
Au 12 juin 2022 depuis le début de la saison

Division 1 : 5 expulsions sur 54 matchs
Division 2 : 6 expulsions depuis le début de saison sur 94 maths
Challenge de France : 4 expulsions sur 13 matchs
Coupe d’Europe : aucune expulsion sur 13 matchs

Premier constat : la D1 compte plus d’expulsions que la D2 et surtout cristallise ces moments difficiles dans les tensions du tournoi du challenge de France. Quand à l’Europe, le constat est édifiant, la tenue des joueurs et des arbitres est plus importantes.

Il peut s’agir d’un joueur mais le plus souvent c’est un des coaches qui en fait les frais. La contestation d’un appel d’un des arbitres est quasiment toujours la raison de ces échauffements sur les bords du terrain. Si nous, en tant que public, nous sommes souvent écartés de ces diatribes que nous entendons à peine sans comprendre la raison de la contestation, nous constatons le geste clair de l’arbitre qui indique la fin de la conversation.

Il existe dans les règlements douze cas qui permettent à un arbitre de faire sortir un joueur ou un coach de la partie et aussi sur l’ensemble de la journée. Ce qui est important car de nombreuses journées sont doubles en terme de match et cela peut priver un équipe soit d’un joueur ou d’un coach. Pourquoi les expulsions concernent plus les coaches, c’est surtout parce qu’elles sont les seules personnes qui sont habilitées à discuter un appel. Si un joueur non habilité le fait même calmement, il est systématiquement éconduit.

Pourquoi en arrivons-nous là :

Inutile de nous intéresser à des statistiques par club ou par type de joueur, de nationalité, ce genre de chiffres n’a pas de bien fondé. Il convient plutôt de se pencher sur la perte de contrôle d’un coach face à ce qu’il ressent comme de l’injustice. Tout d’abord, la puissance de l’arbitre, sa réputation, son charisme sur le terrain est un premier facteur. La tolérance est de mise au début du match, si plusieurs appels sont considérés par les joueurs et/ou les coaches comme litigieux, petit à petit, la pression monte. Il suffit alors d’un appel sur un jeu plus litigieux et à un tournant du game en terme de point d’écart entre les deux équipes et le ton peut commencer à monter. Bien évidemment le ton employé pour contester, se faire expliquer, tenter de convaincre est la base de mise à mort de la conversation, finissant par l’expulsion.

Il est facile de dire que les insultes, les mots litigieux, les allusions, les gestes de colère ne sont pas de mises. Mais selon les caractères et l’éducation du coach ou du joueur, le relâchement s’opère et l’invective devient inévitable. Les pressions diverses gagnent sur la tempérance et le choix de tout faire pour le bien de l’équipe (y compris de laisser tomber cette dernière) entre dans la balance.

Il y a aussi des jeux dangereux sur base, des gestes malheureux avec la batte, des moments ou le joueur ne maitrise plus la bouilloire qui gesticule en lui et laisse exploser une rancœur, une vengeance, un geste déplacé qui souvent fait l’unanimité et parfois même soutenu par son propre coach.

Plus amusant également, les règlements prévoient l’exclusion d’un joueur ou d’un coach si sur un appel il conteste en s’appuyant sur une vidéo ou une photo. A ce jour, seuls quelques clubs bénéficient d’une retransmission et il serait inique de laisser entrer ce genre de contestation via ce genre de support tant que l’intégralité des matchs ne sont pas retransmis. Quand ce jour arrivera, nous pourrons comme dans d’autres sports et comme en Mlb, mettre la vidéo comme un outil de challenge et au service d’une meilleure décision arbitrale.

Cependant, une autre manière de penser l’expulsion peut être envisagée. Celle du réveil des troupes, du glas qui sonne comme un instinct guerrier à réveiller. L’équipe est dominée, perd au score et il faut la sonner pour tenter de reprendre le combat. Le coach, comme un sacrifice ultime, se fait expulser, laissant ses joueurs devant deux injustices : un appel litigieux et une expulsion. La stratégie est lourde et non sans conséquences mais elle peut exister dans la tête de certains stratèges.

Parfois les expulsions sont légitimes aux yeux des règlements, repensez à celle qu’avait subi le lanceur de Rouen en Finale des play offs en 2021, du fait d’une visite au monticule puis d’une nouvelle visite juste après du catcheur à son lanceur. Cette seconde visite entrainait la sortie du lanceur. Ce n’est pas à proprement parlé une expulsion, mais elle est vécue comme telle. Le coach prenant le monticule, capitaine ô mon capitaine, remettant toute l’équipe dans le chemin de la victoire plus que dans l’aigreur d’une décision difficile force le respect.

Nous, public, au final aimons le spectacle et ces faits de jeux font partie du show. Cependant, ils ne sont pas beaux ni porteurs de valeur pour les jeunes générations. Espérons que les joueurs et coaches sauront se battre uniquement avec les armes légales du baseball et de former de nouvelles générations porteuses de la valeur suprême du respect de l’arbitrage.

Didier Cannioux