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Entretien avec Didier Seminet

Rencontre avec Didier Seminet, le Président d’honneur de la Fédération Française de Baseball. Il s’exprime rarement depuis qu’il a quitté la Présidence de la Fédération. Baseball TV France balaye avec lui les grands sujets du baseball français.

BTVF : Concernant l’activité baseball en France, comment percevez-vous les évolutions aujourd’hui ?

D.S : Pour être très honnête, je ne regarde pas dans les détails les activités fédérales. Je suis en retrait maintenant. Tant que la fédération fait des choses, c’est qu’elle est dynamique. J’ai beaucoup connu un temps où elle faisait beaucoup moins. Je préfère le plus que le moins. Y’a jamais de « trop », dans le sport fédéral, ce n’est pas un ennemi, cela donne de l’émulation. Même si c’est une petite fédération, quand on la compare aux autres, il faut qu’elle serve tout le monde, tous les courants sportifs. Un membre de la fédération est redevable pour que tout le monde trouve sa place. Je suis content que soient organisées beaucoup de compétitions.

BTVF : Les résultats sportifs en division 1 cette année font tourner les favoris : Rouen chute un peu, Montpellier prend sa place, Le PUC se retrouve en D2, quel est votre avis sur ces changements ?

D.S : Je n’aime pas que Rouen baisse d’un ton. Car ils ont aussi baissé d’un ton à l’international. Ils ont été pendant très longtemps ceux qui tenaient la barre en Europe. Ce n’est pas une bonne nouvelle. J’espère que ce nivellement ne sera pas au détriment du niveau français. Pour Paris, je ne suis pas satisfait non plus, car c’est un club qui devrait être un leader en nombre de licenciés, je leur souhaite de retrouver vite de leur superbe. Pour Montpellier, c’est vraiment bien, beaucoup de joueurs viennent du CREPS, c’est une bonne chose pour eux. Je souhaite à Montpellier de vivre le même sort que Rouen.

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BTVF : Que pensez-vous des nouvelles règles concernant les JFL (Jeune formé localement) ?

D.S : C’est une vraie révolution, car moi, quand j’étais aux affaires, on était plutôt à ouvrir les vannes sur les étrangers en imaginant que les Français qui sortaient du lot servaient l’intérêt de l’équipe nationale. Je soutiens la démarche sans être réellement pour. Les clubs ne sont pas au service de l’équipe de France, c’est l’inverse. La fédération est au service des clubs. Je comprends le besoin de donner aux joueurs français la possibilité de s’épanouir. J’avais fait le constat à l’époque qu’il était plus facile de jouer en Division 1, c’étaient et ce sont toujours les étrangers qui font la différence. Les équipes jouent leur saison sur le ou les aces étrangers qu’elle recrute. S’ils gagnent 10 matchs dans la saison en lanceur dominant, l’équipe peut se sentir bien dans sa saison. ll faudra faire attention que le jeu reste de qualité. Cependant, il ne faut pas simplement être dans l’entre-soi. Il faut s’ouvrir aux autres joueurs venant d’autres horizons. C’est intéressant de voir ce qui va se passer. Par exemple, un garçon comme Quentin Moulin que j’ai suivi sur la dernière saison, n’a pas besoin des JFL pour jouer, il a sa place. Il est fort et cela suffit.

image Quentin Moulin en Australie

BTVF : Comment voyez-vous la France se développer au niveau des joueurs, est-ce par la montée en puissance des lanceurs comme Lacombe, Antoine ou Couvreur ?

D.S : C’est générationnel tout cela. On a connu d’autres périodes de lanceurs incroyables comme Piquet, Leblanc, Meurant, Briones… En championnat d’Europe, l’équipe de France démarrait avec au moins cinq partants dominants. Ce n’est pas la formation à la française qui est responsable de cela, les clubs ont eu ce rôle de susciter des vocations. A l’époque, l’Insep, la fédération olympique de baseball faisait progresser des joueurs venant de partout en France. Maintenant et depuis, il y a des drafts comme Yohann Antonac par exemple. Aucun de ceux d’avant ne sont allés dans le système MLB. C’est surement plus ouvert aujourd’hui. Le système MLB fait sortir les plus performants, à nous de nous servir de ce système. C’est dur j’imagine de revenir en France, quand on a connu les infrastructures et les organisations américaines. C’est compréhensible. J’espère que Mathias Lacombe va performer, il est passé par les 12U que l’on a remis en œuvre. Il faut qu’il marche dans le chemin de Fred Hanvi ou Andy Paz.

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BTVF : Sur le plan international, pas de baseball au JO de Paris, pas de MLB à Paris en 2025, comment expliquez-vous cela ?

D.S : Deux sujets différents qui ont le même chapeau, c’est la crédibilité de la discipline baseball en France. Tout le monde sait qu’on existe, on manque de poids et on n’est pas crédible. Quand Paris prend la décision pour les JO, on nous parle à l’époque de limitation de quota d’athlètes dans le village olympique. Ce sont les règles du jeu car le sport collectif est impactant pour cela. Le COJO a snobé également le Karaté qui avec 240 000 licenciés portait une autre crédibilité. Trop de sports de combat surement ! Pour le baseball, il n’en voulait pas et il avait le droit car à Tokyo c’était un sport additionnel. Le baseball est sorti de l’olympisme après Pékin en 2008. Ils ont pris le droit de ne pas le mettre. La fédération a toujours été là pour défendre son sport, mais pour réussir un rendez-vous, il faut être deux.

Pour la MLB en 2025 à Paris, c’est pareil, c’est encore un problème de crédit. Le calendrier était contraignant. Le Stade de France, seul endroit où cela peut se passer au standard de la MLB, possède une réalité économique. Il ne se passe rien dans ce stade jusqu’en juillet 2024 pour la préparation des JO. L’année 2025 sera une année de rentabilité, les gestionnaires du Stade de France prennent moins de risques à faire venir une Mylène Farmer qu’un match de MLB et là encore c’est compréhensible.
Il ne faut pas rentrer dans la parano contre une quelconque force contraire au baseball en France. Faisons encore plus ce que nous réalisons actuellement, mettons-nous dans les meilleurs ranking mondiaux, mettons-nous dans les institutions politiques décideuses. C’est une génération qui doit avancer dans cette implication. On était à ça de réussir, cela ne passe pas. La MLB veut venir, à nous de trouver les moyens. Ces matchs de MLB sont une machine énorme, incomparable avec les organisations que nous mettons en place : Challenge de France ou finale de Division 1. On n’est pas sur la même planète, quand on voit ce qui s’est passé à Londres.

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BTVF : Aujourd’hui, les retransmissions des matchs de Division 1 commencent à devenir presque obligatoires. L’aventure de la retransmission de match de Baseball démarre comment, pouvez nous raconter cette aventure ?

D.S : Cela démarre par un garçon, qui s’appelle Emmanuel Hassier, qui filme un premier match à Rouen lors d’un Challenge de France en 2007 ou 8. On a créé ensemble « Stadeo » avec les droits de retransmission. Mathieu Brelle Andrade était par exemple un salarié de Stadeo à Sénart. On a retransmis des matchs de Taiwan, plus d’une cinquantaine. En tant que manager de Sénart, à l’époque, on a travaillé sur des plans de caméra. Le coût internet était très cher à l’époque. Les temps ont changé. Stadeo vendait des prestations de scannage de VHS sur disque dur des vidéos de la fédération mondiale de Baseball. Bien après sont apparues les retransmissions à Sénart via youtube.

BTVF : Parlons du Baseball 5, comment cela commence ?

D.S : Quand j’étais Président, je cherchais une discipline facile à mettre en œuvre et qui effacerait toutes les contraintes comme les règles compliquées et le grand terrain. On a phosphoré avec Eliot Fleys. On m’avait montré le T Baseball, mais il fallait du matériel, un grand terrain. Cela n’allait pas. En fouillant sur internet, à la recherche d’Urban baseball, je suis tombé sur une vidéo de 2013 de Red Bull à la Havane : « Los quatros esquinas », les quatre coins.

Je suis arrivé à Doha en 2016 et je raconte l’histoire au Président Fraccari de la Fédération internationale (WBSC) et lui présente cela comme l’avenir pour des tas de pays comme l’Afrique par exemple. Il regarde la vidéo, ferme le PC et ne dit rien. Quelques semaines plus tard, lors d’un congrès en mars, il sort qu’il a eu une idée géniale et sans flagornerie s’arroge la paternité de cette nouvelle discipline ! Ensuite, il faut la mettre en place, ce sera à 5 et ce sera mixte. Alors aujourd’hui, je retiens qu’il y a eu une volonté d’accaparer le projet et surtout pas de montrer que c’était un petit français qui avait sorti cela de sa tête. Ensuite on a fait les premières démos à la Havane. Déjà à l’époque, je sentais que ce serait le futur sport olympique. Cependant, ce n’est pas gagné, car l’Amérique du Nord (Usa et Canada) boude le baseball 5 à la différence du Japon. Le marché du grand baseball a besoin de cela, car la perte de licenciés en baseball traditionnel s’accélère. Ne nous leurrons pas cependant, le système économique du baseball avec ses industries de gant, de batte, de balle ne sera jamais pour le développement du baseball 5.

Je mise qu’un jour ce sera le sport d’avenir au niveau olympique. Les jeux de la jeunesse, c’est le hall d’entrée des grands jeux. Le baseball 5 y sera à Dakar en 2026. Cela ouvre un potentiel énorme, peut-être pour 2032, car le baseball régulier sera plus compliqué à programmer aux JO en Australie.
Souhaitons à La France de faire une médaille en 2026. La place actuelle de premier mondial dont je suis très fier, nous permet de le croire. Le baseball5 n’est là que pour aider les disciplines classiques à attirer plus de licenciés, et à faire progresser par la technique. Bon, c’est vrai il n’y a pas encore trop de licenciés baseball 5 en France, mais cela appartient aux clubs, qui restent décideurs.

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BTVF : Dans les couloirs et les terrains, le sujet jase, qu’en est-il pour vous d’un retour aux affaires ?

D.S. : Je suis toujours là, comme Président d’honneur. Je n’ai pas envie de prendre la place de quelqu’un. Cela me va bien la façon dont je suis consulté. Je donne mon avis et cela se passe bien. Je suis plus intéressé pour donner un coup de main au développement du Cricket. C’est un cousin germain du baseball qui a besoin d’être aidé pour se constituer en 2025 en fédération. C’est une fédération olympique qui va durer, ce sera 2028 aux USA, 2032 en Australie et 2036 si c’est l’Inde. Si je devais retourner aux affaires, c’est-à-dire prendre une Présidence, je serais plus sur le Cricket. Le baseball est devenu indépendant, il n’y a pas beaucoup d’argent, mais il n’y a plus de dettes. Il y a des gens qui se projettent, je ne me vois pas remplacer quelqu’un à ce jour. Au niveau Européen, je ne ferme pas la porte, même si cela ne m’intéresse plus car je l’ai fait. S’il y une opportunité à l’international, je la saisirais. Il ne faut pas que le Président actuel laisse la porte ouverte, je tenterai de m’y engouffrer. Mais c’est autre chose. Le baseball international va bien, il est très faible comparé à la machine professionnelle de la MLB. La WBSC n’a aucun droit sur le baseball américain ou japonais. Oui, le budget de la Fédération internationale est important mais il est incomparable avec la MLB. 12 millions par an contre 13 milliards pour la MLB !

BTVF : Que pouvons-nous vous souhaiter ?

D.S. : Prenons soin les uns des autres, ce n’est que du sport.

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